samedi 28 novembre 2015

La dissolution.

Comme tous les matins, le cadran retentit à six heures douze minutes très précisément. Une main vint fondre sur le bouton d’arrêt tandis que les draps du lit firent une jolie vague lorsqu’ils furent projetés, facilitant ainsi le déploiement des jambes et la sortie matinale. Une courte visite aux toilettes précéda la mise en marche de la machine à café. Le rituel était commencé : un œuf miroir, une épaisse tranche de pain blanc grillée, un café espresso allongé au trois quarts, un peu de sucre, sans lait. La radio d’état envoyait ses nouvelles de la journée, annonçant encore des coupures dans les services, des mesures d’austérité, des abolitions de poste en région puis conjuguait le tout avec les records de profit des banques, d’Hydro Québec et de la Caisse de dépôt et placement du Québec. L’information entrait par une oreille, circulait dans une zone sinistrée du cerveau appelée espoir, empruntait l’autoroute du cynisme pour finalement ressortir par l’autre oreille, sans qu’une seule des paroles perçues soit, en fin de compte, retenue. 

Le froid était crispant et modelait les visages comme des statues dégoutées. Malgré la courte distance qui séparait l’entrée du métro à l’arrêt d’autobus, il était pénible de marcher sans risquer de tomber tellement la chaussée était glissante, la ville ayant visiblement manqué à ses responsabilités d’épandage d’abrasif. La bouche de métro expira un long souffle chaud agréable par sa chaleur et désagréable par son odeur qui rappelait celle d’une usine ou d’un entrepôt. La descente en escalier roulant se déroulait généralement sans heurts, mais quelques fois, comme aujourd’hui, quelqu’un se plantait sans bouger du côté gauche des marches, empêchant les plus pressés et ceux qui au fil des années avaient développé un trouble obsessif d’optimisation des mouvements dans leurs déplacements, de pouvoir circuler et dépasser les paresseux campés à droite. Pourtant le Code de la route était clair : la voie de gauche est réservée pour les dépassements. Personne n’osant exiger le droit de passage, on pouvait clairement entendre la symphonie de soupirs générée par cet ignorant des lois informelles. 

Il était nécessaire d’effectuer un transfert à la station Berri-UQÀM pour passer de la ligne orange à la verte. De tels déplacements à l’heure de pointe pouvaient être périlleux; cette station étant la plus achalandée du circuit, il fallait savoir anticiper le mouvement de dizaines de personnes à la fois et esquiver les novices désorientés qui s’aventuraient sans posséder les compétences de locomotion adéquates. L’attente du prochain train était rapide à cette heure, mais il était souvent impossible de s’y introduire tellement il était bondé. Il n’était pas rare d’attendre le passage de plusieurs d’entre eux afin de trouver un espace assez grand pour s’y faufiler. Ce matin, l’attente se fit plus longue qu’à l’habitude ce qui engendra une impatience généralisée sur le quai en direction Angrignon. Des messages circulaient sur les écrans plasma de l’autre côté de la rame, mais la typographie n’ayant jamais été ajustée à la distance de lecture, ils étaient pratiquement impossibles à lire. Les haut-parleurs crachèrent un message préenregistré annonçant d’importants retards, suivis d’un appel de codes obscurs s’adressant aux employés de la STM. Plutôt que d’attendre indéfiniment, la décision fût prise d’emprunter l’autobus afin d’atteindre la destination. L’escalier roulant s’érigeant jusqu’à la sortie la plus proche sabota cependant cette alternative au moment où, au tout dernier instant, un des lacets de botte se coinça dans les dents de ces mâchoires métalliques qui dévorèrent la botte tout entière. Cela se fit avec la rapidité d’une déchiqueteuse à papier avalant une facture. 

Cette situation aberrante rendant tout mouvement vers l’extérieur impossible, il n’y avait plus d’autre choix que de rebrousser chemin et d’attendre patiemment le train retardataire. Par chance, la destination de ce matin se trouvait à l’intérieur même du Montréal sous terrain, ne nécessitant pas d’expédition hivernale extérieure. Le train arriva après une attente interminable, actionna les freins avec un peu trop d’insistance, ce qui répandit dans l’air une odeur de bois calciné, doux arôme d’un temps révolu. Les portes s’ouvrirent pour régurgiter un tsunami de monde qui emporta presque ceux qui attendaient et étaient déjà à bout de patience. Entrer dans le train à contre-courant de cette marée humaine demanda un effort olympien qui fut couronné de succès. La victoire étant à peine savourée, la présence d’une absence ressentie dans la poche du manteau attira particulièrement l’attention. Plus de porte-monnaie. Celui-ci devait avoir été dérobé par un agile voleur lorsqu’une des collisions s’était produite, imitant presque celle d’un sac du quart-arrière tellement elle avait été violente. Le train s’était remis en marche et une voix annonça la station Saint-Laurent avec un français international impeccable. Que faire? La situation demandait un retour en arrière; le service des objets perdus se trouvait à la station précédente et il subsistait quelque part l’espoir que le porte-monnaie s’y trouve. Aussitôt les portes du train ouvertes, c’est d’un pas pressé et en grimpant les marches quatre à quatre que se caractérisa la traversée de la passerelle pour atteindre la direction inverse. 

La journée n’allait définitivement pas très bien et elle ne fît que s’aggraver au cours des heures suivantes. À Berri-UQAM, l’opérateur du métro fut pris d’impatience et referma les portes avec hâte, provoquant le coincement du manteau dans lequel le porte-monnaie n’était pas. Coincé par le dos, le premier réflexe fut de se glisser hors du manteau afin de se positionner adéquatement et d’empoigner les manches pour les tirer avec force et espérer déprendre l’habit de cette emprise malheureuse. Le chauffeur en décida autrement. Motivé par une horrible envie d’uriner il actionna l’accélérateur, faisant avancer le train qui émit son gémissement électrique singulier. Le manteau s’enfonça avec le train dans les ténèbres du tunnel. Prochaine station : Beaudry. En disparaissant ainsi d’une manière des plus inusités qui soit, le manteau emportait ainsi les clés de l’appartement. Dans les poches de pantalon siégeait heureusement le téléphone cellulaire, dernier rempart moderne permettant une communication extérieure. La main droite s’empressa d’aller le chercher, mais l’excitation était telle que la prise fut molle et l’appareil fut échappé, ce qui le fit s’envoler sur quelques pieds, juste assez loin pour atterrir sur la bande jaune texturée en bordure du quai. La force dynamique déployée, bien que faible, fut suffisante pour que l’appareil glisse encore un peu et termine sa course deux mètres plus bas, dans les rails du métro. 

L’exaspération était à son comble et une visite aux objets perdus s’imposait. Une botte manquante et sans manteau, le déplacement vers le comptoir fut motivé du mince espoir que le porte-monnaie fût égaré plutôt que volé. Arpenter la station avec cet accoutrement décousu attira aussi les regards qui furent catégorisés selon les réactions suscitées : regards intrigués, regards dégoutés, regards apeurés, regards fuyants, regards amusés, regards choqués. Ces regards ne ralentirent pourtant pas la course, car le seul qui importait était celui du commis syndiqué des objets perdus. Regard indifférent. L’interrogatoire fut bref et composé d’une seule question fort simple concernant l’existence de l’objet recherché. Pourtant, cette unique question se heurta au visage dépourvu de compassion d’un commis blasé, perdu dans des préoccupations absurdes, mais de nature existentielle, consistant au difficile choix entre A&W ou Subway pour le repas du midi. La question fut répétée un peu plus fort, car le commis ne semblait pas avoir entendu. Celui-ci répondit finalement par la négative d’un faible mouvement de tête aussi mou que sa personnalité. 

Encore une fois, une décision devait être prise et l’option de se rendre au travail malgré le déplorable habillement fut adoptée. Le comptoir des objets perdus se situant de l’autre côté des tourniquets, l’emprunt du service exigeait à nouveau le paiement d’un passage. Dépourvu de liquidités et de cartes, deux options furent envisagées. La première consistait à sauter les tourniquets et prendre le risque de se faire arrêter par un des nombreux agents de sécurité en civils. La seconde solution, celle qui semblait à la fois la plus honnête et la plus humiliante, était de quêter jusqu’à l’obtention des trois dollars vingt-cinq manquants pour satisfaire la société municipale.

L’étape la plus difficile dans l’action de quémander fut d’accoster le premier passant. Après quelques essais infructueux, la démarche devint machinale et tendre la main un réflexe. Cette nouvelle contrainte entraina un ballet qui trouva ses repères aux quatre coins de la station, formant une chorégraphie se déployant, tantôt en face de l’entrée souterraine de la Bibliothèque nationale, puis quelques pas plus loin vers celle de l’université, valsant devant une librairie puis, un café et ainsi de suite pour revenir au point de départ et repartir de plus belle comme une immense chaise musicale où la seule mélodie était celle du petit change atterrissant dans les mains tendues. Après quelques heures à défiler de la sorte, la somme recueillie s’élevait à deux dollars quatre vingt-cinq; tourner des boulettes à la Place Dupuis aurait déjà rapporté plus, même après impôts. 

Malgré un discours crédible ayant pour but à la fois de faire la démonstration de l’excès de malchance présentement à l’œuvre et d’écarter au mieux les réticences provoquées par la pauvreté, la générosité se fit rare. Il faut dire que la sollicitation venait de toute part à l’intérieur de cette station centrale. Elle ne manquait pas de mendiants; une femme assise par terre avec une pancarte de carton où l’on pouvait lire « j’ai un enfant à nourrir »; un musicien grattant une tentative de flamenco sur une guitare âgée dépourvue de vernis; un homme faisant figure de portier à l’entrée de la gare d’autobus; un autre couché, relevant occasionnellement le regard sur sa tasse disposée afin d’accueillir les dons; d’autres encore qui arpentaient les corridors et tentaient de convaincre systématiquement chacune des personnes croisées, misant ainsi sur le flot incessant de voyageurs pour se satisfaire monétairement. 

Par la force des choses, le regard des quêteux s’était croisé ce qui avait créé un certain malaise puisqu’aucun sentiment d’appartenance ne pouvait être ressenti dans les circonstances actuelles. Quelque chose ne cadrait pas. Le gouffre qui séparait les squatteurs, à cette brève immersion improvisée autour du thème de la pauvreté était simplement trop profond : deux classes sociales complètement opposées, le travailleur type et l’itinérant apparent et pourtant, un intense sentiment de déjà vu accaparait l’espace, une impression d’être à la fois résident et étranger. Il suffisait de regarder à droite ou à gauche, sortie rue Sainte-Catherine ou boulevard de Maisonneuve, peu importait la direction, l’ampleur du phénomène était indéniable; partout des individus demandant la charité. L’observation était déconcertante. Cela demandait une quelconque explication. 

La femme était assise par terre, le dos reposant sur le mur du couloir, un petit pot en plastique déposé devant elle, une poignée de change à l’intérieur. Son âge était aussi vague que son état de santé et son accoutrement ne pouvait suggérer autre chose qu’une éternité depuis la dernière brassée de lavage. Elle portait une tuque en laine trouée d’où dépassaient des mèches de cheveux noirs et gras, collant le long de son cou frêle. Les bras repliés sur son corps pour y garder le peu de chaleur qui s’y accumulait, se terminait par des mains noircies qui avaient bien dix ans de plus qu’elle. Une silhouette était restée immobile à côté d’elle depuis un moment déjà. Elle se retourna, révélant un regard injecté de sang et jauni par les carences. Elle étira les lèvres pour former un sourire d’une vingtaine de dents et fixa l’être misérable qui l’observait. Un être à l’air ahuri, désorienté, comme s’il venait d’être frappé d’une illumination divine ou qu’un diagnostic catastrophique, venait de lui être révélé. Elle observa encore un instant cette étrangeté, sans manteau, une seule botte dans les pieds, le regard fixe, mais absent, hypnotisé presque et elle se rappela. Elle se rappela de cette journée où tout avait étrangement basculé pour elle, une espèce de malédiction à rendre fou, un complot qu’elle s’était dit à l’époque, un mauvais rêve. Pourtant, elle ne s’était jamais réveillée et, depuis, elle avait oublié. Oublié avant que tout cela ne déboule et eût accepté sans tenter de comprendre. Je suis rendue là s’était-elle dit à ce moment, et maintenant il y avait cette personne devant elle qui venait la rejoindre elle et tous les autres. Elle ouvrit la bouche, tout en hochant de la tête et laissa échapper ces quelques mots, cette unique phrase, seule explication qui devait satisfaire l’incompréhension ressentie : « Toi aussi. »

vendredi 3 juillet 2015

Une histoire d'amour.

Cent fois que je refais le même geste idiot. Cent fois que je regarde la maudite feuille de papier : date, identification, numéro de dossier, signature, puis, j’étampe. Cent fois que mon bras fais ce geste ridicule : un coup dans l’encre rouge et un bon coup sur la feuille. Bam! Toutes les cent secondes, bam! Criss de vie plate. On m’a menti toute ma vie, toute ma vie un mensonge. Toutes nos vies à chier. On nous avait promis des aventures dans le désert, des glissades sur les lianes de la jungle, des châteaux en forêt, une valse dans l’espace, je ne sais pas moi, quelque chose de grandiose. On nous a dit que toutes les femmes avaient des corps pornographiques et que les hommes étaient tous courageux. Mais je suis lâche et je le sais. L’étampe, elle me donne un bon salaire qui apparaît aux deux semaines dans mon compte chèque, sans stresse; j’ai des assurances qui couvrent les soins dentaires; des vacances pour aller me calciner et m’arracher le foie dans le sud dans un tout inclus infesté de touristes pas de classe; un fond de retraite pour la prendre à soixante ans; assez d’argent pour avoir auto et maison. Je n’ai pas d’enfants, pas de responsabilités, ce qui fait qu’à cinq heures tapant le vendredi je commence la grande défonce, et ce jusqu’au dimanche soir, avec ou sans ma gagne de chums : bière, marijuana, vodka, BBQ, vin, rhum, coke (les deux sortes), porn : Awaye! Défonce là! Montres-y c’est qui qui mène tabarnak! Esti chu brûlé. Des fois je m’en crisserais une dans tête, bam! Étampé en rouge. Au suivant. Dossier classé. 

Je devais connaitre un grand amour, le véritable amour, comme Jasmine et Aladin. Moi le va-nu-pieds et elle la princesse rebelle. Le paumé qui, grâce à l’amour, voit son destin se transformer, passant de l’échec social, condamné par sa caste, pour se retrouver au sommet de l’échelle sociale et du même coup joindre le summum du bonheur et le un-pour-cent royal. Je sais, c’est crissement cliché tout ça, mais je m'en fous. T'aime pas ça: décrisse! Disney et son poison qui te viol tes rêves d’enfant. Moi être à sa place au Aladin, je m’en crisserais pas mal de la Jasmine et je me payerais une pute par jour. Avec tout ce fric, cet or dans les coffres du palais royal, c'est clair. Quand j’ai terminé mes études en gestion, c’est aussi ça qui devait m’arriver. Wolf of Wallstreet. M’enligner des lignes de coke sur le cul des escortes de luxe pendant que le cash s’empilerait dans mon compte en banque; champagne, caviar, voitures exotiques; et la plèbe qui s’empoisonne des miettes qui tombent de ma bouche pleine. Hautes études commerciales mon œil. Je cherche toujours dans le ciel du centre-ville l’édifice qui porte mon nom, quelque chose comme Stark industries ou Wayne entreprises; redoutable homme d’affaires le jour et puissant péteur de gueule la nuit. DSK à la puissance dix. Pas facile d’être en shape de super héro quand on étampe des dossiers huit heures d’affiler. Ma bedaine transpire la prospérité et mon front luit sous l’effort de la masturbation chronique. Mon pénis s’érige en un autel, un monument en l’honneur de ma réussite lorsque je célèbre devant des petites chattes rasées de nymphettes qui auraient l’âge d’être mes filles. C’est sans doute la seule chose d’utile dans l’amour, le sexe gratuit. Récompense ultime pour avoir à endurer tout le reste. Esti que je m’haïs que dit des affaires de même. Mais je suis rendu là. À y croire. L’espoir est mort au moment où j’ai signé mon contrat, vendant mon âme au plus offrant. Bam! Étampé dans le coin. Je voulais joindre les ligues majeures, mais on m’a fait bencher tout le long et je n’ai pas rechigné. Après tout, j’étais payé pareil. Vie facile que je me suis dit. Tout cuit dans le bec. Sauf que de la marde, même gratuite, ça n’a jamais nourri grand monde. 

Je n’ai même pas les couilles de changer tout ça. Sauf qu’aujourd’hui, j’ai décidé de faire quelque chose de constructif pour me sortir du trou. Le loto max est à 50 millions de dollars cette semaine. Avec cinquante-fuckin-millions de dollars je suis pas mal certain que je l’aurais l’amour de ma vie. Mon âme sœur, mon ange. L’amour, ça s’achète en tabarnak à 50 millions de dollars. Fellation à vie. 50 nuances d’abus. Domination sous fond de mascarade. Je ne vois pas pourquoi je me gênerais. Après tout, c’est tout ce qu’on désire. Devenir un prince, le roi de la jungle, la bête dans son château. Et mes sujets qui se prosternent devant moi, découvrant autant de postérieurs à la merci de mes tendances libidineuses, sodomisant sans retenue ces offrandes chaudes et admiratives. Qui ne dit rien consent. La plus belle histoire d’amour.

lundi 2 mars 2015

Boyhood: vivre au présent.

Boyhood raconte une histoire de famille, d’une mère (Patricia Arquette) qui fait tout ce qu’elle peut pour élever ses enfants, d’un père (Ethan Hawk) absent malgré tout l’amour qu’il a pour eux et surtout de Mason (Elar Coltrane), un jeune garçon que l’on verra grandir sur une période de 13 ans. Toutefois, on ne peut réduire Boyhood à cette simple prouesse cinématographique. 

Boyhood se campe dans le moment présent avec une simplicité désarmante, parcourant les moments marquants d’une vie qui n’a rien d’extraordinaire. Tout dans Boyhood est fait pour nous placer devant l’ordinaire et la simplicité de la vie. La réalisation de Richard Linklater est classique et sobre et préconise le champ subjectif afin de recréer le réalisme de la discussion. Il évite même le cliché d’introduire de la musique afin d’amplifier l’émotivité ressentie par ses personnages et s’en sert uniquement à des fins de repère temporel. Le choix volontaire d’une réalisation sans extravagance semble contraster avec l’excentricité d’un tournage étendu sur 13 ans. Néanmoins, ce choix agit comme un métalangage d’une profonde intelligence qui vient amplifier et appuyer l’essence du film. 

C’est en suivant le personnage de Mason que l’on observe grandir et évoluer au milieu des différents évènements qui l’entoure que Boyhood nous touche tout en proposant un puissant questionnement existentiel. On ne peut contrôler la vie, on ne peut décider pour les autres ou réagir pour les autres et Mason, dès son jeune âge, le comprend très bien et l’accepte de façon désarmante et inspirante. Pourtant, les occasions ne manquent pas pour Mason de s’indigner ou de se fâcher; l’absence du père, la trahison de sa première copine, les fréquentations malsaines de sa mère, etc. Or, Mason se détache systématiquement des situations désagréables et profite avec simplicité, sans jugement, des moments plaisants que la vie lui réserve. Alors qu’autour de lui la vie est reçue avec déception et désillusion, Mason est campé solidement dans le moment présent et profite de chaque instant avec authenticité et sérénité. En cela, et par les choix du réalisateur, Boyhood est un peu l’antithèse de Tree of Life, de Terrence Malick, qui est plutôt une véritable succession de souvenirs flous et d’interrogations sur le sens de la vie dans une perspective presque cosmique. Boyhood frappe par sa simplicité et son réalisme, dépeignant avec tendresse l’ordinaire de la vie. 

En suivant Mason et son évolution, Boyhood nous apprend à être, peu importe ce que l’on choisit de faire.